6.30. Et pourtant la grille ce matin est déjà ouverte. Heureux hasard ou délicate attention de l’esprit des lieux? L’horaire d’ouverture estival est d’ordinaire fixé à 7h.
Bien trop tard pour les habitués du calme matinal qui d’ordinaire piaffent à moins cinq à la grille au son du badinage de rigueur :
“Ils ont pas encore ouvert ?!”
“Et beh, il est pas pressé de nous ouvrir, le gars”.
“Ah, ça y est, il arrive !” (bruit de clef)
“Bonjour Monsieur, vous allez bien ? Merci”
“Mais non allez-y Madame, après vous, je ne suis pas pressé !
Retrouver la plage des Catalans, c’est comme retrouver un vieil ami. Quelques menus changements à la marge mais l’essentiel est resté intact. Joie de retrouver de l’immuable dans ce monde en ébullition.
A l’angle, le café Welcome, éternellement ouvert. On devine ses deux figures familières derrière le bar. Je ne les salue pas encore. Non. Je repousse avec délectation la perspective de la savoureuse litanie post-nage du matin. Fraîcheur de l’eau, direction du vent, force et sens du courant seront débattus. Café allongé ou noisette viendront clore le débat et donner le ton du jour.
J’accroche mon vélo à droite de la porte d’entrée sur les premiers barreaux. Les habitudes ont la dent dure.
A cette heure, pas un chat. J’esquisse un sourire gourmand : la mer est d’huile ce matin. L’horizon m’appartient. L’odeur de la mer me frappe en pleines narines. Face à moi, la digue fixe le cadre. Au loin, plus à gauche, l’obélisque du Pendu m’invite à le rejoindre.
J’en lâcherais presque une larme de soulagement. Tout est encore là.
Vite, profiter des lieux déserts.
Je retrouve les marches en bois qui annoncent le sable. Les douches décrépies après les poubelles sur la gauche. L’ambiance défraîchie des lieux ne s’est pas laissée démonter pendant mon absence.
Caler mes affaires sous le muret, derrière le rocher à gauche. M’avancer dans la mer d’un pas déterminé. Retrouver ma seconde maison. L’eau me monte aux genoux, aux cuisses. Elle n’est pas froide mais je prends comme un affront les minuscules vaguelettes qui viennent sournoisement déjouer ma mise à l’eau rapide mais qui se voulait tout de même progressive.
Ce matin, l’eau est agréable. Mon baromètre corporel, rodé à la nage à l’année, la situe autours 24-25°C. Trop chaude pour moi qui reviens de Bretagne. Plus salée à la bouche aussi. Les premières brasses sont plus lourdes. Moins électrisantes que dans l’eau à 18 qui met le corps en émoi avant qu’il ne trouve l’apaisement dans la coulée.
Chaque matin est une nouvelle rencontre. A chaque baignade sa couleur, son roulis, sa température, son humeur.
Aucune n’a la saveur de la précédente. C’est fou mais c’est ainsi.
J’ai hâte que l’hiver arrive.

« Plus belle la nage », chroniques marseillaises et linogravures d’Agathe Five

« Plongez dans la lecture de Plus Belle La Nage, petite chronique poétique, tendre et amusée d’Agathe Five sur l’univers de la nage libre à Marseille qui traque l’insolite dans le familier et le croque en linogravure. Vous en ressortirez sûrement avec une furieuse envie d’aller piquer une tête…. »