cap Morgiou
Plongeons dans le bassin du Mucem

« PLUS BELLE LA NAGE » by Agathe Five
III/ CONTEMPLATIONS D’UN VIEUX MOTOBECANE

Ca fait déjà deux ans. Deux ans que malgré ma carcasse de vieux biclou déglingué, je dévale à toute berzingue la Canebière tôt le matin pour laisser ma propriétaire à sa nage et me poster à la balustrade qui surplombe la plage des Catalans – l’antivol tressautant à mon encolure dans un fracas à réveiller les morts sur les pavés du Vieux-Port. Deux ans que depuis le Vieux-Port, je dois habilement me faufiler entre les voitures et jouer de ma pédale grinçante pour faire la nique aux scooters pétaradants qui déboulent, toutes claquettes-chaussettes dehors. Deux ans que pas une fois je n’ai débouché sur le front de mer – à fond les ballons par la droite sur la Corniche ou en bifurquant sur la gauche pour descendre à contre-sens la pente douce de la plus discrète rue de Suez- sans me dire que cette plage est décidément singulière, improbable et vitale.
Modeste carré inattendu de sable gris-jauni un peu crasseux cernée de béton et de graffitis, au beau milieu du quartier du Pharo à l’architecture anarchique. Petite anse à l’humeur changeante, à la fois moche et superbe, coincée entre la mer et les rubans de bagnoles de la Corniche et empreinte du cri des mouettes et du klaxon des scooters. Tour à tour estivale sous le ciel bleu azur, industrielle et menaçante sous le ciel gris bas et lourd, Turnerienne quand les éléments se déchaînent et incandescente au soleil couchant, elle a la familiarité des rituels et l’audace de n’être jamais la même.
Je m’ébroue et finis de me réveiller au brouhaha de la Corniche, singulier mélange de cris de mouettes, de klaxons, de moteurs de scooters trafiqués et de rimes de JUL s’échappant haut et fort des fenêtres teintées baissées des SUVs : « Ce soir j’oublie tout/ j’cherche mon ch’min, j’fais des détours/ ce soir j’oublie tout /et quand j’repense à ce jour.. /jme dit qu’la vie est courte/ qu’on partira tous un jour/alors j’m’en tape de vos discours/ derrière le bonheur moi je cours… »…
Moi, Le bonheur, je lui roule après et il s’offre sous mes yeux : la pédale accoudée à la balustrade comme au spectacle, je regarde les multiples scénettes qui se trament au dessous : ballet de poses alanguies des amoureux qui se prennent en selfie sur le ponton, sauts-périlleux sous tension des gamins depuis les rochers, impassibilité des anonymes offrant à l’horizon leurs rêveries solitaires, volleyeurs du Club de Volley des Catalans aux corps musclés et luisants de sueur sur-jouant la victoire à chaque point avec la duplicité à peine feinte de celui/celle qui se sait reluqué depuis la Corniche, dans un grand éclat de «yessss !!» et de checks de la main un peu too much. Faut bien faire vivre la fameuse esbroufe Marseillaise !
Amusé, je chauffe ma vieille carcasse moins bien huilée au soleil.

Linogravure les Catalans

« Plus belle la nage », chroniques marseillaises et linogravures d’Agathe Five

Catalans linogravure

« Plongez dans la lecture de Plus Belle La Nage, petite chronique poétique, tendre et amusée d’Agathe Five sur l’univers de la nage libre à Marseille qui traque l’insolite dans le familier et le croque en linogravure. Vous en ressortirez sûrement avec une furieuse envie d’aller piquer une tête…. »

Plage des Catalans
Vélo Motobecane
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