C’est à « la bouée du PERON », au large du restaurant gastronomique éponyme, que nous avons quotidiennement rendez-vous avec mon ami N. Au beau milieu de la mer.
« 7.50 at the buoy ? »
« 7.50 at the buoy. »
Que la mer ait été accueillante, capricieuse ou hostile, la bouée du PERON est une figure rassurante. Elle annonce la dernière ligne droite avant la terre ferme. La certitude que mon ami m’y attend est un moteur tout aussi puissant.
A cet endroit, au dessus de nos têtes, l’imposante bâtisse ocre flanque la Corniche, telle un gros rectangle surplombant dangereusement la mer et qui porte littéralement son nom : arrimée à la roche, c’est une sorte d’escalier sur la mer. Elle hésite entre l’élégance de l’hacienda et un soupçon de mauvais goût. Côté Corniche, arcades, faux ours et palmiers siégeant au balcon vert émeraude et statue de poisson un peu trop volumineuse se disputent la façade. Les 5 lettres PERON à la typographie soviétique finissent d’alourdir l’ensemble et de lui donner sa silhouette pataude. Côté mer, la baie vitrée écarquille ses mille fenêtres sur l’horizon. La vue sur les Iles du Frioul depuis sa « salle à manger paquebot » est, dit-on, à couper le souffle. La carte est tout aussi alléchante. Une institution depuis 1885 peut on lire dans le Michelin qui l’a par deux fois étoilée.
Je ne connais du PERON que ses plus triviaux et intimes dessous, depuis la mer. Ses fondations posées à même la roche blanche rongée par le sel. Les vagues qui viennent se cogner contre ses soubassements et qui repartent, mécontentes, vers le large,
s’entrechoquant sans logique et affolant la boussole interne du nageur. Le courant caractéristique à son large et son clapot irrégulier. On s’étonne de le reconnaître, de l’avoir oublié. On le maudit à nouveau. On en bave des ronds de chapeaux dans un combat solitaire pour grappiller quelques mètres sans que la clientèle et ses ronds de serviettes n’en aient même connaissance.
KEEP CALM AND SWIM ON
Et quand enfin quand la grosse masse ocre s’éloigne dans la lunette droite embuée, on sait que l’on est tiré d’affaire.

« Plus belle la nage », chroniques marseillaises et linogravures d’Agathe Five

« Plongez dans la lecture de Plus Belle La Nage, petite chronique poétique, tendre et amusée d’Agathe Five sur l’univers de la nage libre à Marseille qui traque l’insolite dans le familier et le croque en linogravure. Vous en ressortirez sûrement avec une furieuse envie d’aller piquer une tête…. »